Brésil : Quand l’héritage africain constitue une menace – A Lire sur Totem

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noir brésilien

2è partie de notre dossier au coeur de la communauté afro-brésilienne

Enquête de Marion Bordier

1. Condomblé, Moqueca et Capoeira : au cœur du lifestyle afro-brésilien

2. Brésil : Quand l’héritage africain constitue une menace

3. Mais d’où vient donc le problème de racisme envers les noirs brésiliens ?

4. Quand la discrimination positive s’installe au Brésil

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Bien que la culture afro brésilienne soit digne d’admiration, le Brésil a du mal à intégrer les Afro descendants. Et ceci s’explique par son passé. « Tous les Etats colonisateurs souffrent aujourd’hui de discrimination raciale. La sensibilité à la couleur de peau est plus forte. Le blanc se porte mieux. Après chaque pays est un cas particulier. Au Brésil il n’y a jamais eu de ségrégation juridique comme aux Etats Unis ou en Afrique du sud. Mais il existe un racisme cordial » explique Richard Marin, professeur d’histoire et spécialiste reconnu du Brésil. Un racisme cordial ? C’est-à-dire qu’il ne se voit pas. Pourquoi ? La population de la nation étant si métissée, la couleur de peau ne devrait pas compter.

Et pourtant, Manuela Santos Ribeiro avoue que la discrimination est bien présente. Cette jeune brésilienne, ayant résidé dans la ville la plus noire du pays jusqu’à ses 25 ans, confie : « j’ai entendu des dizaines de fois, dans une agglomération comme Salvador, dont la majorité de la population est afro-descendante, les termes « cheveux bons » (raides) et « cheveux mauvais » (bouclés type afro). La faute à qui ? Aux médias et à l’enseignement qui présentent les normes de la beauté comme blanches ». L’artiste Afro américain, aux origines brésiliennes, Alexis Peskine lance : « ma mère a souvent dû faire face à la faim. Elle a arrêté ses études tôt. En ce qui concerne le racisme au Brésil, beaucoup de gens pensent que c’est un pays qui n’en connait pas de par son riche métissage. Alors qu’en fait il est encré et omniprésent. Les Noirs se voient discriminés dans beaucoup d’endroits comme au travail. Les médias, ne nous représentent que très peu, et beaucoup d’entre eux nous stéréotypent dans des émissions atrocement racistes. Il suffit aussi d’observer les beaux quartiers de Salvador de Bahia – ville à 90 % noirs. Je défie à quiconque d’y trouver ne serait-ce qu’ 1 % d’Afro brésilien. Il est clair que le facteur social est indissociable du facteur racial ».

 Alexispeskine

L’artiste Alexis Peskine 

En 2007, le salaire moyen d’un Noir est encore pour moitié inférieur à celui d’un Blanc. L’ Afro brésilien est très majoritaire dans les emplois sous-qualifiés (domestiques, travaux agricoles, construction civile). Ceux qui ont « la chance » de travailler dans le secteur informel sont privés de pensions de retraite et de couvertures sociales. Leur espérance de vie n’en est que diminuer. De combien ? Six ans par rapport à celle d’un Blanc…

En politique, ce n’est guère mieux. Le gouvernement de la présidente du Brésil, Dilma Rousseff, ne comprend qu’une ministre noire, Luiza Helena de Bairros. Elle est chargée du secrétariat pour la promotion de l’égalité raciale. C’est l’héritière du footballeur Pelé, premier homme de couleur à avoir été ministre en 1994. « Le racisme au Brésil est caché, subtil, non avoué dans son expression, masqué et sous-estimé par les médias », souligne Joaquim Barbosa, premier juge noir à siéger à la Cour suprême de Brasilia. « Il n’en demeure pas moins extrêmement violent » complète-t-il. Lui-même, nommé en 2003 par Lula (prédécesseur de Dilma Roussef), a été victime de mésaventures. Deux fois, des Blancs lui ont remis des clés de voiture alors qu’il se trouvait devant un restaurant chic de Rio de Janeiro. Pourtant, il nuance « les choses se modifient, lentement, une prise de conscience prend forme ». Le degré de racisme n’est pas au même niveau qu’en 1980 où le sociologue Alberto Guerreiro Ramos désignait le Brésil comme « le pays le plus raciste du monde ». Une enquête conduite dans les années 1980 par l’anthropologue Lilia Moritz Schwarcz donne la mesure de ce refoulement. Si 97 % des personnes répondent n’avoir aucun préjugé racial, 98 % avouent connaître des personnes racistes. Non sans humour, l’anthropologue en conclut : « Tout Brésilien se perçoit comme une île de « démocratie raciale » encerclée par des racistes ».

 

dilma-roussefLa présidente Dilma Roussef

Ces discriminations donnent lieu à un phénomène : des Afro brésiliens font des enfants avec des Blancs pour « blanchir » leur généalogie à venir. Le sociologue Roger Bastide explique qu’ « au Brésil, une goutte de sang blanc suffit à classer l’individu dans le groupe des Blancs ».

Marion Bordier

Sur l'auteur

Passionnée par le journalisme depuis longtemps! Un rêve devenu réalité!