2001. Grande avancée. La loi Taubira tendant à la reconnaissance des traites et des esclavages comme crimes contre l’humanité est votée. Peu après, le Comité pour la mémoire de l’esclavage (CPME) est institué. Dès 2005, il réalise un inventaire relatif à la traite négrière, l’histoire de l’esclavage et ses abolitions. Et ce, sous la présidence de Françoise Vergès, jusqu’en 2012. Depuis 2006, la France célèbre la journée de la commemoration de l’esclavage. Top 10 des objets les plus emblématiques des horreurs perpétrées.
Par Marion Bordier
1- Le Couteau
Du XVIème au XIXème siècle, l’Europe a besoin de main-d’œuvre dans ses colonies. Elle déporte alors vers les Caraïbes et les Amériques des millions d’Africains. Beaucoup perdent la vie dans les entrepôts, d’autres lors de la traversée ; décimés par les famines, les maladies. Dans les mines et les plantations, l’esclave est déshumanisé. Il appartient à son maitre qui a sur lui droit de vie et de mort.
Le Code noir promulgué en France en 1685 par Louis XIV régit la vie des esclaves dans les îles françaises. Il leur donne un statut civil d’exception par rapport au droit « français ». Il accorde aux maîtres un pouvoir disciplinaire et policier incluant des châtiments corporels. Ces derniers doivent baptiser et instruire dans la religion catholique, apostolique (mélange de catholiques, anglicans, orthodoxes et protestants) et romaine tous leurs esclaves. Les « non libres » ont le droit de s’unir entre eux mais les naissances hors mariage d’une esclave et d’un homme libre interdits. Ils peuvent racheter leur liberté en constituant un pécule (des économies). Cependant, les esclavagistes les terrorisent pour éviter toute rébellion. Ce couteau en est la preuve.
2- Le masque des esclaves « marron »
Utilisé comme instrument de torture, le masque est réservé aux esclaves « marron » (en fuite). Lorsqu’ils ont perdu espoir de s’enfuir à nouveau, ils tentent souvent de se suicider en mangeant de la terre. La mort ? Etouffement ou empoisonnement. L’auteur Bellel, dans un article sur les Africains fugitifs au Brésil intitulé Esclave Marron un Rio de Janeiro (L’esclave fugitif à Rio de Janeiro), explique que : « pour les empêcher de se donner la mort, les négriers leur mettaient sur le visage un masque d’étain ne disposant que d’une fente très étroite en face de la bouche et de quelques petits trous sous le nez pour qu’ils puissent respirer ».
3- Fusil de traite
Ce fusil en bois peint, fer acéré avec un mécanisme à silex, a sans doute été témoin de la traite négrière. Extrêmement rare, ce type d’objet peut toutefois se trouver dans des musées de Guadeloupe, Martinique, Guyane ou de La Réunion. Pourquoi ? Ce sont des lieux de mémoire en eux-mêmes. Les sites de plantations et les cimetières d’esclaves regorgent sans doute également de nombreux trésors.
4- Serrure de case d’esclave
Les esclaves vivent dans des cases d’environ seize pieds, sur les sites de plantations. Ils n’ont que le dimanche après-midi pour se reposer. Jour du seigneur oblige…
5- L’ amulette gun
Cette amulette gun en forme d’entrave se trouve au musée du quai Branly à Paris. Petit rappel : les Gun sont une variante des Goun, peuple d’Afrique de l’Ouest au sud du Bénin et au Nigeria. Le « grigri » est très présent dans les colonies négrières ; les esclaves pensant qu’elles les protègent.
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6- Cravache en cuir
Les coups de cravache strient le dos des « nègres » durant quatre siècles. Mais à la fin du XVIIIème, les « abolitionnistes » revendiquent la suppression de l’esclavage, de la peine de mort, de la torture, du travail, des privilèges, des prisons et de la prostitution. Ils veulent montrer à leurs contemporains les réalités du travail, de la discipline. Mais aussi des châtiments sur les plantations des denrées coloniales qui affluaient dans les grands ports européens.
7- Entrave pour le cou en fer
Ramené de Guadeloupe par V. Schoelcher en 1841
8- Entrave pour pied : fer forgé
Ces deux entraves pour le cou et les chevilles symbolisent parfaitement l’emprisonnement des esclaves. En 1789, Thomas Clarkson, abolitionniste anglais, diffuse des plans en coupe du navire négrier le Brookes. Accusé par les planteurs et négriers d’exagérer les conditions de traversée de l’océan Atlantique appelé middle passage (« passage du milieu »), il inspire les comités antiesclavagistes. Auguste de Staël, fils de la romancière et essayiste Mme. De Staël, enquête sur la traite des esclaves. Cette dernière est officiellement prohibée au niveau européen lors du Congrès de Vienne en 1815. Mais il n’en est rien. Lors d’un séjour à Nantes, il rapporte comme preuves les chaînes et colliers qui servent aux négriers. De retour à Paris en 1825, il les expose à la Chambre des pairs.
9- Briquet d’esclave
Ce briquet d’esclave a sans doute vécu le 4 février 1794. Jour de l’abolition de l’esclavage décrétée par la Convention. Problèmes ? Cette égalité ne s’applique qu’aux habitants de la métropole, et non pas à ceux des colonies d’Amérique. Or, à cette époque, il n’y a pas d’esclaves en France… De plus, elle ne prend aucune mesure pour l’appliquer. Les esclaves n’ont plus aucun statut ni droit. Bonaparte, maintient, par la loi de 1802 l’esclavage dans les îles récupérées des Britanniques par le traité d’Amiens. L’esclavage des Noirs n’est définitivement aboli en France que le 4 mars 1848. La traite négrière en 1815.
10- Fouet de commandeur
Ce fouet de commandeur fait de bois et de corde est ramené de Martinique par Victor Schœlcher. L’homme politique français est connu pour avoir agi en faveur de l’abolition définitive de l’esclavage en France. Celle-ci fut votée via le décret de son abolition le 27 avril 1848, signé par le gouvernement provisoire de la deuxième République. Il entreprend un périple aux Caraïbes entre 1840 et 1884. Au programme ? Analyse des effets de l’abolition dans les British West Indies et de la situation des esclaves dans les autres colonies. Il rapporte de nombreux objets du quotidien des esclaves et esclavagistes. 43 ans plus tard, il fait don de cet ensemble au musée d’Ethnographie du Trocadéro (ex musée de l’Homme) aujourd’hui conservé au Quai Branly. Le président de la République, Jacques Chirac, louera le courage de l’abolitionniste, voyant dans le décret d’abolition et le suffrage universel « deux actes fondateurs dans l’histoire de notre pays ».
150 ème anniversaire de l’abolition de l’esclavage 1998
Tous les 10 mai depuis 2006, la nation commémore les mémoires de la traite négrière et de l’esclavage en France. L’Objectif ? Assumer et transmettre.
Marion Bordier
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