Rivonia 1964 – Top 5 des phrases marquantes du discours de Nelson Mandela – A Lire

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 Discours de Nelson Mandela Rivonia

Le 20 avril 1964, l’avocat Mandela est jugé par le tribunal de Pretoria. Accusé de sabotage, haute trahison et complot, il a 46 ans et croupit en prison depuis déjà deux années. Motif ? Incitation à la grève. Dans un discours – qui restera dans l’histoire – il affirme le sens de son existence : la lutte contre la ségrégation raciale. Conservé au département de la justice de l’Afrique du sud jusqu’en 1994, le texte sera transféré aux archives nationales. Ces mots-là, plus connus sous le nom de discours de Rivonia, personne ne les a oubliés. Focus sur 5 phrases qui ont marqué à jamais.

Par Marion Bordier

Le discours de Nelson Mandela – Pretoria 1964

1-Toute ma vie, je me suis consacré à la lutte pour le peuple africain »

Mandela. Un nom. 7 lettres qui résonnent dans le cœur de chaque Sud-africains. Mais Mandela, ce n’est pas qu’un mot, c’est avant tout un homme. Un homme qui a sacrifié sa liberté au nom de celle de tous. A 16 ans, il entend un discours du chef de sa tribu, Meligqili, le fils de Dalindyebo : « Nous sommes esclaves dans notre propre pays. Nous sommes locataires de notre propre terre. Ces jeunes hommes iront dans les villes où ils vivront dans des taudis. Ils cracheront leurs poumons au fond des entrailles des mines de l’homme blanc, en ruinant leur santé, sans jamais voir le soleil, pour que l’homme blanc puisse mener une vie de richesse. Les cadeaux que nous leur faisons aujourd’hui n’ont aucune valeur, car nous ne pouvons leur offrir le plus grand de tous les cadeaux : la liberté et l’indépendance ». Ces paroles, il les gardera en mémoire mais ne les comprendra que plus tard. Lorsque son ami noir Paul refusera d’aller chercher des timbres pour un juge blanc lui répondant « Vous êtes un paresseux ! ». Pour Mandela, c’est le déclic. La couleur de peau ne justifie pas les humiliations au quotidien.

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En 1944, il rejoint l’ANC (Congrès national africain). Quatre ans plus tard, l’apartheid scinde sa patrie en deux. Petit rappel : au début du XXème siècle, les Blancs, Afrikaners et Anglais, se font la guerre. La paix signée, ils créent un accord basé sur la domination des Noirs et se partagent les terres, les mines d’or et de diamants. En 1948, les Afrikaners gagnent les élections. S’en suivent des lois organisant la vie selon une discrimination raciste. Blancs, Indiens, Métis et Noirs ne doivent surtout pas se mélanger. Partout, des pancartes interdisant à telle « race » de s’asseoir ici ou là. Dans les jardins, les postes, les écoles, les hôpitaux et même sur les plages. C’est « la séparation des races » c’est-à-dire l’apartheid. Beaucoup d’emplois sont interdits aux Noirs. Ils peuvent être jardiniers, bonnes etc. Bien sûr, interdiction de manger avec la même vaisselle qu’un Blanc, d’utiliser les mêmes toilettes. Porteurs, selon cette idéologie, de maladies spécifiques à leur couleur de peau… Des quartiers sont réservés aux Blancs. Impossible pour les autres d’y pénétrer sans un laissez-passer… de 96 pages ! Nom, groupe « racial », adresse, horaires et lieux de travail. Le tout signé par le patron. Autorisation de circuler dans cette zone. La prison est promise à ceux qui traineraient après 21 heures.

Incitant les Noirs à la « désobéissance civile », Mandela a rencontré de sérieux problèmes avec les autorités. Interdiction pour lui de quitter Johannesburg ! Mais rusé, il se déguise tantôt en chauffeur, tantôt en jardinier. Il parcourt le pays incognito pour convaincre la population de résister. Caché le jour, la nuit, il va de réunions clandestines en rendez-vous secrets. 1956 : fin de la cavale. Il est arrêté ainsi que 150 autres personnes. Motif ? Haute trahison et « conspiration (…) dans le but de renverser le gouvernement ».

Les évènements de Sharpeville en 1960 marquent un tournant dans la vie de Mandela. Alors que des manifestants clament leur désapprobation vis-à-vis du port du Pass Book sous peine d’arrestation ou de déportation, ils sont massacrés. Bilan ? 69 morts et 180 blessées sous les tirs des forces armées. Mandela, choqué, décide d’abandonner le pacifisme et fonde la branche militaire de l’ANC, le MK. Sabotages, grèves. Les actes de résistance s’enchainent.

2– « La souffrance des Africains, ce n’est pas seulement qu’ils sont pauvres et que les Blancs sont riches, mais bien que les lois qui sont faites par les Blancs tendent à perpétuer cette situation »

En mettant en place l’apartheid, le Parti National afrikaner (Blancs anglais et sud-africains) change le visage du pays. Celui de la population également. Traits tirés par l’abattement. Yeux baissés à la rencontre d’un Blanc. Comme si être une personne « de couleur » devait devenir une honte. Le rattachement territorial, la nationalité et le statut social sont désormais déterminés par la race de l’individu. Les mariages mixtes sont interdits. La crainte suprême, c’est le swaartgevaar (« péril noir »). Majoritaires en Afrique du sud (79 %), les Noirs pourraient « balayer » le peuple blanc. Et c’est bien ce que ce dernier veut éviter ! Pour se faire, une politique portée sur la suprématie blanche, la promotion et la défense de la culture afrikaner est mise en place. Mandela, comprend cette injustice. Il la ressent, la vie. Ça lui tord les tripes. D’autant plus que le suffrage universel (donc accessible à tous) n’est mis en place qu’en 1992. Et ce, après la révocation des lois racistes et la création d’une nouvelle constitution.

passbook afrique du sud

3- « J’ai combattu contre la domination blanche et contre la domination noire »

L’aboutissement de cette lutte sera la transformation de l’Afrique du Sud en « nation arc-en-ciel ». Déjà dans les années 60, Mandela demande l’union entre les nationalistes noirs et les Blancs du Parti communiste sud-africain. Dans quel but ? Le combat contre l’apartheid. Mandela dévoile alors clairement son souhait le plus cher : que les hommes soient égaux, quelle que soit leur couleur de peau. Le racisme est partout et l’avocat le vit au quotidien. Lorsqu’il plaide au tribunal, des Blancs refusent de lui répondre. Pourquoi ? Parce qu’il est Noir ! Autre anecdote. Alors que la voiture d’une femme est coincée par une autre, Mandela l’aide. Elle lui lance : « Merci, John ! » (nom donné à tous les Noirs par les Blancs) et en lui offrant une pièce, Mandela la refuse. Offensée qu’un Noir lui tienne tête, elle hurle : « Tu voudrais plus d’argent, mais tu ne l’auras pas ! ».

4- « J’ai chéri l’idéal d’une société libre et démocratique dans laquelle toutes les personnes vivraient ensemble en harmonie et avec les mêmes opportunités. C’est un idéal pour lequel j’espère vivre et accomplir. Mais si besoin est, c’est un idéal pour lequel je suis prêt à mourir »

En 1962, il est de nouveau arrêté et condamné à cinq ans de travaux forcés pour incitation à la grève. Deux ans plus tard, rebelote. Il est de nouveau jugé et cette fois ci condamné à perpétuité. Il lance à ses amis coaccusés : « Alors, qu’est-ce qu’on a au menu aujourd’hui, vanille ou chocolat ?! ». Aussi blagueur qu’Obama ce Mandela !

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Emprisonné pendant 27 ans, il ne cèdera jamais. Des nuits glaciales. Des journées passées à casser des cailloux. Interdiction d’écrire ou de recevoir des lettres. Interdiction d’avoir une visite plus d’une fois tous les six mois. Voici ce qu’est la vie du matricule 46664. Il aurait pu sortir deux fois. Deux fois le gouvernement lui propose d’être libéré en échange de l’abandon à la lutte contre l’apartheid. Mais il ne lâchera pas et sera toujours fidèle à son idéal. Son discours d’investiture en 1994 le prouvera puisqu’il réemploiera les mêmes termes : « J’ai chéri l’idéal d’une société libre et démocratique (…) C’est un idéal pour lequel j’espère vivre et accomplir. (…) C’est un idéal pour lequel je suis prêt à mourir ». Preuve qu’il est resté intègre à lui-même.

Photo: Le Président d’Afrique du sud Mr Jacob Zuma au FNB stadium lors de l’hommage à Mandela

zuma à l'hommage à mandela

5- « Le clivage politique fondé sur la couleur de la peau est totalement artificiel et quand il disparaîtra, dans un même mouvement la domination d’un groupe de couleur sur un autre sera éliminée »

La fin des divisions politiques sur une base raciale permet d’empêcher l’inégalité.  Un an après son élection en 1994, l’Afrique du sud accueille la Coupe du monde de l’ovalie. Pourtant, le rugby a longtemps été mal vu par les Noirs, car les dirigeants de la Fédération étaient racistes. Du temps de l’apartheid, un ancien capitaine a même déclaré à l’équipe nationale que leur victoire devait « refléter la nécessaire suprématie de la race blanche sur les Cafres (« incroyants » en arabe) ». Surnommé Madiba, en clin d’œil à son l’ethnie Xhaso, Mandela apaise. Pardonne. Une véritable leçon de vie.

En 1995, la nouvelle constitution met fin à la domination blanche. Elle est adoptée au parlement par la quasi-unanimité des députés de l’ANC et du parti national. Enfin ! En 1996, les ministres du Parti national quittent le gouvernement d’union nationale pour entrer dans l’opposition. Renversement de situation. Même des lois établissant la discrimination positive destinée à favoriser l’intégration économique des Noirs sont votées. Malgré tout, des inégalités persistent. Aujourd’hui, le salaire d’un Blanc est aujourd’hui six fois plus élevé que celui d’un Noir.

Le 20 avril 2014, l’Afrique du sud célèbre le 50 ème anniversaire du discours de son premier président noir devant le tribunal de Pretoria. Photos mouillées par les pleurs. Citoyens agenouillés devant des milliers de fleurs. Un hommage. Un culte. Pour celui qui leur a rendu leur liberté.

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Par Marion Bordier

Sur l'auteur

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