4è partie de notre dossier au coeur de la communauté afro-brésilienne au Brésil.
Enquête de Marion Bordier
1. Condomblé, Moqueca et Capoeira : au cœur du lifestyle afro-brésilien
2. Brésil : Quand l’héritage africain constitue une menace
3. Mais d’où vient donc le problème de racisme envers les brésiliens noirs ?
4. Quand la discrimination positive s’installe au Brésil
Manuela Santos Ribeiro raconte qu’ « à partir des années 1940, un mouvement national revendiquant la valorisation des Noirs voit le jour. Le TEN (Théâtre expérimental du Noir) en fait partie ». A l’origine de ces revendications ? Des intellectuels locaux et des étrangers, comme le français Roger Bastide. Grâce aux mouvements sociaux, à ceux des anthropologues et de l’État, la situation change. Richard Marin souligne également qu’ « avec la constitution de 1988, la culture afro brésilienne a commencé à être préservée. Les années Lula ont été une période de prospérité qui a profité aux Afros brésiliens. Aujourd’hui, la mémoire de l’Afrique est enseignée à l’école. Il y a beaucoup de travaux universitaires sur l’esclavage et les Afro brésiliens ont désormais leur place dans les universités, même s’ils ne sont pas issus d’écoles privées ».
Depuis, dix juges de la Cour suprême ont fait sensation en prenant position pour ladiscrimination positive dans l’enseignement supérieur. A l’unanimité, les hauts magistrats ont décidé que les quotas raciaux à l’université corrigeaient « la dette sociale de l’esclavage ». 25 % des places dans les universités fédérales doivent être réservées aux étudiants dont le revenu familial est égal ou inférieur à 1,5 fois le salaire minimum. Soit 933 reais (360 euros environ). Le quart restant étant alloué aux étudiants en fonction de l’auto déclaration de la couleur de peau. C’est aux universités de faire en sorte que les proportions de Noirs, Métis et Indiens soient égales aux proportions de la répartition raciale de leur Etat. « C’est une action affirmative supplémentaire dans la recherche de l’identité des afrodescenants et des africains », affirme Nelson Pelegrino. Il rappelle que la Chambre a également approuvé le projet de loi sur les quotas minimums de Noirs pour les concours publics.
Selon les calculs du quotidien O Globo, la loi entraînera une augmentation de 128 % du nombre de places destinées à la discrimination positive dans les universités fédérales de Rio. Les quatre universités concernées réservent actuellement 5 416 places aux quotas sociaux. Avec la nouvelle mesure, ces places passeraient à 12 351. Il n’en fallait pas plus pour que les adversaires des quotas dénoncent la « racialisation » du Brésil par l’ « ethnicisation » du social. Surtout, le débat semble avoir mis à mal le mythe de la démocratie métisse, selon laquelle on ne se définit pas par la couleur de peau. « Ces quotas sont la seule alternative aux mécanismes d’occultation et d’exclusion sociale mis en place depuis la fin de l’esclavage », souligne Spiritos Santos, auteur du blog http://spiritosanto.wordpress.com/. Pour le frère franciscain, David Raimundo dos Santos, « cette nouvelle phase est une révolution pour le Brésil ». Responsable d’Educafro, une ONG luttant pour faciliter l’accès des Noirs à l’éducation, il pense que le Noir est passé « d’esclave du maître à esclave du système ». « Le Brésil se réveille en pouvant annoncer qu’il a une méthode d’intégration ». Un réveil après une longue nuit tourmentée, celle d’ « un long déni de l’afro-brésilianité », écrit Richard Marin.
Malgré tout, l’Etat brésilien œuvre pour l’intégration des Afrodescendentes et la reconnaissance de leur culture. Le 1er avril 2014, la Commission de la constitution et de la justice (CCJ) de la Chambre des députés a approuvé le projet de loi leur permettant d’ajouter sur leur identité des noms d’origine africain ou indigène ; qu’ils appartiennent à leur famille ou non. Encore une belle avancée pour le pays qui accueille la Coupe du monde de football 2014 !