5 cinéastes d’Afrique francophone qui ont marqué leur temps

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La semaine dernière, le Gabon se remettait encore du décès de Philippe Mory, talentueux réalisateur martiniquais qui a fait de ce pays d’Afrique centrale le terrain de jeu de sa caméra dès les années 1960. Le mystérieux suicide du « père du cinéma gabonais » est l’occasion de revenir sur 5 réalisateurs africains qui ont marqué leur temps, par leur démarche, leur regard ou leurs sujets de prédilection. Florilège partial et partiel, pour ce qui ne doit être qu’une porte d’entrée vers le vaste cinéma africain francophone.
1.       Henri Duparc (1941-2006)
Son parcours est une série de films-cultes. Henri Duparc, réalisateur ivoirien né en Guinée, formé en France, a un regard unique sur les sociétés postcoloniales africaines. Qu’il s’agisse des « deuxièmes bureaux » (dans L’herbe sauvage), de la polygamie (dans sa fameuse comédie Bal poussière, ou dans Une couleur café) ou des (dangereuses) traditions (Le sixième doigt), pas un thème n’échappe à sa caméra et son humour. Son héritage en Côte d’Ivoire est immense : son film Rue Princesse sur la vie nocturne abidjanaise, sorti en 1993, donne réellement son nom à la plus chaude des rues du quartier de Yopougon. L’une de ses dernières productions, Laurent Gbagbo, la force d’un destin, est un documentaire qui raconte la vie d’un chef d’Etat en exercice comme peu de films le permettent.
2.       Ousmane Sembène (1923-2007)
 
Sembene

Crédits Wikimédia Commons

Le génie de ce réalisateur sénégalais ne se limite pas à la caméra. Semaine est également célèbre pour ses livres et manifestes engagés. Tirailleur pendant la seconde guerre mondiale, membre du Parti Communiste français, ce militant utilise tous les supports pour transmettre ses convictions. La fiction permet la dénonciation du sort des immigrés en France, avec notamment La Noire de… qui montre l’exploitation d’une Sénégalaise à Antibes. Son Camp de Thiaroye revisite le drame de la ville sénégalaise du même nom, lorsque des dizaines de tirailleurs trouvent la mort en manifestant contre le non-paiement de leurs soldes en 1944. Son œuvre de quarante ans explore avec subtilité les relations entre les ex-colonies et la France, l’immigration et autres thèmes comme les mutilations génitales féminines (dans son dernier film notamment, Moolaadé, sorti en 2003).

3.       Souleymane Cissé (1940-)
Crédits : Zimbio

Crédits : Andrew H. Walker/Getty Images Europe

Voilà quelqu’un qui a été biberonné au cinéma ! Dès son enfance, ce Malien fréquente les salles obscures, puis se forme à Moscou avant de revenir travailler pour le ministère de l’Information, où il réalise des documentaires. Prolifique, le jeune réalisateur s’attaque d’entrée de jeu aux problèmes de société, avec Cinq jours d’une vie, qui suit le quotidien d’une jeune vagabond, ou encore Baara, sur la domination qu’un patron exerce sur ses employés. Réalisateur phare des années 1970 et 1980, il s’illustre en devenant le premier Africain à obtenir un prix à Cannes pour un long métrage, grâce à Yeelen, qui reçoit le Prix spécial du jury en 1987. Cissé reste dans les mémoires comme l’un de ceux qui a su dépeindre sans complexes les problèmes sociaux et sociétaux de son pays.

 
4.       Idrissa Ouedraogo (1954-)
C’est l’histoire d’un autre poids lourd du cinéma ouest-africain, véritable bête de travail, qui étudie successivement à l’Institut Africain d’Etudes Cinématographiques de Ouagadougou, fait son stage en Russie puis peaufine sa technique en France avec un DEA en cinéma. Le palmarès de ce réalisateur est immense ; son projet de fin d’études obtient d’emblée un prix au prestigieux FESPACO, le festival panafricain de cinéma qui se tient tous les deux ans au Burkina. Son deuxième long-métrage, Yaaba, qui raconte l’amitié entre un jeune garçon et une vieille dame marginalisée, obtient le prix de la critique au Festival de Cannes en 1988. Ce qui distingue Ouedraogo, c’est son inventivité, sa manière de s’approprier les sujets et les œuvres, comme lorsqu’il adapte dans Tilaï une tragédie grecque en Afrique. Primé de multiples fois au Fespaco, le réalisateur reçoit aussi des récompenses dans de nombreux autres festivals prestigieux, à Berlin, Venise ou Milan.
5.       Jean Pierre Bekolo (1966-)
C’est une sorte de Tarantino africain, peut-on lire de lui sur la toile. Cette figure montante du cinéma camerounais éclate au grand jour dès 1992 lorsqu’il présente à 25 ans à Cannes son premier long-métrage, Quartier Mozart, qui traite de l’ambition d’une jeune fille de se transformer en homme avec l’aide d’une sorcière. Magie, folklore et cultures urbaines se mélangent dans un univers assez féérique, qu’on retrouvera treize ans plus tard dans Les saignantes, épopée fascinante de deux jeunes femmes à travers une ville post-apocalyptique. Reconnu aux Etats-Unis où il enseigne le cinéma, Bekolo fait partie de ces auteurs qui ont leur univers bien à eux, et sa jeunesse promet encore de nombreuses surprises sur les écrans.

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Photo à la une : Idrissa Ouedraogo, Crédits : Ecrans Noirs.

Sur l'auteur

Noé Michalon

Noé Michalon est journaliste, particulièrement intéressé par les questions de politique africaine et de mixité sociale dans les sociétés occidentales. Il est actuellement en master d’études africaines à Oxford (Royaume Uni).