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A la tête du service traiteur Afro Gourmet, Aicha Ballo est une femme de caractère. 50 kilos à tout casser. Pourtant, elle sait ce qu’elle veut et ce en quoi elle croit. Pour rien au monde elle ne baisserait les bras. Même pas pour un mec, même pas pour des préjugés. « Je veux réussir et je les emmerde » dit-elle.
Qu’est-ce que participer à la saison 1 de Master Chef t’a apporté ?
AICHA BALLO : Je ne suis pas restée longtemps donc je n’ai pas vraiment approfondi la technique. Mais j’ai beaucoup appris au niveau du dressage.
Cela explique pourquoi les photos de tes plats sur le site d’Afro Gourmet sont aussi élaborées ?
A.B. : Certainement. Quand on est Noir, on est considéré comme un déchet par certains. Je veux dire à ces gens : « oui je suis Black mais j’ai la dalle et je vais réussir ». Je veux prouver que la cuisine africaine est belle, goûteuse et élaborée. Et c’est ce que je fais à travers ces images.
« Quand on est Noir, on est considéré comme un déchet par certains. »
Comment s’est mis en place ce projet de service traiteur, de cours de cuisine et de chef à domicile ?
A.B. : Je n’ai pas de diplôme. J’ai fait pleins de petits boulots merdiques et un jour j’en ai eu marre de galérer. J’ai pris tous les côtés handicapants de ma vie – être une femme noire, seule avec deux enfants, d’un milieu modeste – pour en faire quelque chose de positif.
Au début, avais-tu peur que ton projet fasse un flop ?
A.B. : Intérieurement, quelque chose m’a toujours dit : « tu galères mais tu fonces et tu fermes ta gueule ». C’est ce que j’ai fait. J’ai demandé à des Blancs ce qui ne leur plaisait pas dans la cuisine africaine. Ils m’ont répondu les arrêtes dans le poisson, les os dans le poulet, etc. Tous les inconvénients des mets africains, je les ai éliminés. Je désosse, j’effile. En fait, j’adapte la cuisine africaine aux goûts de tous.
Que recherchent les clients d’Afro Gourmet ?
A.B. : Du haut de gamme, de la qualité, de la convivialité. Moi-même friante d’établissements africains, je ne fais pas à mes clients ce que je n’aimerai pas qu’on me fasse. Je suis une anti buffet alors c’est évident que mon service traiteur n’en organise pas. Je suis pour le goût. Les épices indiennes et asiatiques me servent énormément.
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N’est-ce pas difficile pour une femme de s’imposer en tant que chef – la cuisine étant un milieu professionnel représenté par une majorité d’hommes ?
A.B. : Je n’ai jamais eu de problème avec ça. Si tu es une femme arrête de te plaindre et bats-toi encore plus. Quand je soulève mes caisses de plusieurs dizaines de kilos, aucun homme ne peut me dire « ouais t’es une femme, qu’est-ce que tu fais ? Ce n’est pas ton travail ». Sinon, il se risque à un : « je t’emmerde j’ai les couilles ».
Quelles sont les qualités requises pour réussir ?
A.B. : La dalle, enfin, l’ambition. Il faut s’accrocher, croire en soi, écouter les critiques pour changer ce qui ne va pas. Niveau argent, même si c’est risqué, il faut tenter.
Tu viens du « bled » comme tu dis. Travailler avec et pour des personnes aisées, dans des hauts lieux t’a changé ?
A.B. : En profondeur, non. Mon but est toujours le même : gagner le maximum d’argent en France et retourner au bled. Construire une école de cuisine, de couture, donner accès aux femmes à l’éducation : voilà ce que je veux. Il y a deux ans je suis retournée en Afrique et j’ai vu la misère, j’ai vu la faim. Alors non je ne pense pas qu’un jour l’argent me montera à la tête. De toute façon, je ne peux pas me le permettre.
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