Avec Délices d’Afrique, Marguerite Abouet nous met l’eau à la bouche

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 LIRE NOTRE DOSSIER : Le renouveau de la cuisine africaine 

Écrivaine, scénariste et réalisatrice, la jeune Ivoirienne Marguerite Abouet n’en finit pas d’épater. Après s’être lancée dans la BD et le cinéma, cette passionnée d’écriture s’est tournée vers le livre de recettes. Publié en 2012, Délices d’Afrique est un véritable succès.

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Vous avez réalisé la BD Aya de Yopougon adaptée au cinéma. Votre livre de recettes Délices d’Afrique est lui-même illustré. Vos travaux précédents vous ont-ils influencé ?

Bien sûr. Chaque tome de mes bandes dessinées comprenait un bonus illustré à la fin. On y trouvait des récits, des anecdotes ou des dessins. Les lecteurs appréciaient ce petit moment de partage. Un jour, Charlotte Gallimard m’a appelé pour me proposer un livre de cuisine et j’ai accepté. Ce qui m’intéressait, c’était de représenter les femmes africaines, en expliquant pourquoi tel plat africain était ainsi nommé. En fait de raconter des histoires, tout simplement.

Bande annonce du film Aya de Yopougon, adapté de la BD :

 

Le sous-titre de Délices d’Afrique : « 50 recettes pour moments de confidences partagées » est en résonance avec cette volonté de raconter ?

Exactement ! La cuisine est un moment de détente et de convivialité. Les femmes africaines sont ensemble et discutent de tout. Elles se conseillent, critiquent leur mari etc. Lorsque j’étais petite, j’entendais tout. Je me souviens d’une voisine qui avait raconté que son époux rentrait souvent soul à la maison et qu’il était dans un sale état le lendemain pour aller travailler. On lui avait alors donné des astuces pour qu’il soit plus « frais » (rires).

Quelle est votre recette préférée dans Délices d’Afrique ?

Je n’ai pas ouvert le livre depuis longtemps (rires). C’est un plat avec des petits pois et des carottes. Il me rappelle mon enfance et plus particulièrement Noël – notre Noël à nous, sans sapin, ni neige. On en mangeait tout au long de l’année mais, ce jour-là, il avait un goût particulier. En parler, ça m’émeut. C’est vraiment un met auquel je suis attachée.

Votre ouvrage a été un succès. Comment l’expliquez-vous ?

Je pense que c’est parce qu’il est différent de ce qu’on a l’habitude de voir. Ça donne l’impression que les recettes sont plus faciles à réaliser. Souvent, lorsqu’on voit une photo d’un plat à préparer, on se dit qu’on n’y arrivera jamais. Avec des illustrations, on ne se prend pas au sérieux et on se lance.

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Quel est le profil des lecteurs de Délices d’Afrique ?

J’ai la chance de ne pas avoir un type de lecteurs. C’est peut être aussi ça qui fait que j’ai du succès – le fait que je m’adresse à tous. Lors des séances de dédicaces, je vois aussi bien des Caucasiens que des Afro, des hommes que des femmes, des jeunes que des adultes.

La concurrence en matière de livres de recettes africaines est-elle rude ?

Je ne me sens pas en compétition. Déjà, il n’y a pas beaucoup de livres de cuisine africaine. D’autre part  le mien n’a rien à voir avec les autres – sans aucune prétention bien sûr. Pour les autres, ce sont plutôt des photos, pour moi des dessins.

Quelle est la place de la cuisine africaine dans votre vie ?

Je suis née dans les marmites et les casseroles à Yopougon (Côte d’Ivoire). Notre cuisine était la cour. On vivait dans cette nourriture, ses odeurs et les jambes de nos mamans, nos tatas. C’est toute mon enfance. Je me souviens qu’elles en faisaient toujours plus au cas où que des personnes venaient à l’improviste. Et je me rends compte que je fais pareil (rires). La cuisine nous façonne. Comme on dit : « dis-moi ce que tu manges, je te dirais ce que tu es ». Aujourd’hui, c’est à mon tour de transmettre mon savoir à mes enfants.

Peut-on réellement parler d’une cuisine africaine et donc faire un amalgame entre la cuisine ivoirienne, congolaise, etc ?

Pour moi oui, il existe une cuisine africaine. Tous les pays d’Afrique échangent leur manière de cuisiner. En Côte d’Ivoire, on peut manger malien ou béninois. Il n’y a pas longtemps, je suis allée dans un restaurant africain à New York. J’ai mangé un tchep bou diem – plat à base de poisson et de légumes, à l’origine sénégalais. Je ne me sentais pas spécialement au Sénégal. Je me sentais en Afrique.

Pourquoi cet engouement général pour cette cuisine ?

D’après ce que je sais – car je n’ai pas la télévision – c’est à cette dernière que ce phénomène est le plus visible. C’est incroyable ! Les gens ont besoin d’émissions de cuisine pour pouvoir faire à manger. Qu’est-ce que cela leur apporte ? Du beau je pense. Ils n’ont pas souvent l’occasion de faire des plats raffinés alors ce qu’ils ne peuvent pas s’offrir, ils le regardent. C’est ça le pouvoir de la télévision, des BDs : faire rêver et partager.

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Sur l'auteur

Passionnée par le journalisme depuis longtemps! Un rêve devenu réalité!