Dans la famille t-shirt afro, je demande le militant ! Après avoir parlé d’autodérision et de stéréotypes battus en brèche avec Wilfried Essomba de la marque Blédardise, Totem a rencontré Jacques Goba, fondateur d’United Souls, dont les vêtements bio mettent à l’honneur des personnages historiques de la lutte pour les droits civiques. Basé à Toulouse, cet humaniste d’origine ivoirienne a le souci de « mettre en avant son africanité » grâce aux représentations d’Amilcar Cabral, Thomas Sankara et autres Patrice Lumumba. Mais au-delà du continent qui l’a vu naître, c’est la planète entière qu’il souhaite honorer.
Peux-tu nous présenter ton parcours ?
J’ai grandi en Côte d’Ivoire puis je suis arrivé en Normandie à l’âge de neuf ans avant de retourner à Abidjan entre 1996 et 2001. Développeur web de formation, j’ai commencé à réfléchir au concept de la marque en 2011, avant de me lancer en septembre 2015. Nous avons donc une gamme de t-shirts bios, qui rendent hommage aux personnalités qui se sont engagées pour les droits civiques en Afrique et dans le monde, comme Kwame Nkrumah ou Rosa Parks. J’ai pris aussi le risque de représenter des icônes peu connues, mais qui ont fait beaucoup dans ce domaine. Ce serait facile de mettre Bob Marley ou Martin Luther King, mais d’autres militants comme Steve Beko méritent aussi d’être connus.
Quelle était ta démarche au moment de créer United Souls ?
Quand je suis revenu de Côte d’Ivoire en 2001, j’ai constaté que tout le monde en France portait des t-shirts du Che, et que Cuba n’était plus, dans la conscience collective, un pays si isolé. Je me suis demandé s’il n’était pas possible d’imaginer la même chose avec d’autres personnes. J’avais envie de partager mon africanité, et plus largement de mettre en avant l’humanité. Je constate que dans notre univers de mondialisation, on ressent un besoin d’identification que les marques incarnent.
Ne crains-tu pas que tes clients ne connaissent pas l’histoire des personnages représentés, comme c’était parfois le cas avec les vêtements aux couleurs de Che Guevara ?
C’est justement pour éviter ce risque que j’inscris sur le t-shirt le nom du personnage représenté. Puis sur mon blog, lors des dates marquantes, je fais souvent des articles pour les faire connaître.
Qui est ta clientèle ?
En France, mon public est un peu bobo, il se positionne sur le Casual & Street Wear. Vu que nous sommes en ligne, les ventes patinent encore un peu, elles tournent autour d’un t-shirt par jour environ. J’aimerais vendre en Afrique, mais ce n’est pas encore facile… En Côte d’Ivoire, j’ai découvert qu’on avait un héritage commun, peu connu en France : on partage un outil de savoir-faire, la langue, qui n’est pas assez mise en valeur. J’aimerais que les espaces francophones se rapprochent, qu’il soit plus facile d’y circuler librement. Pour le moment, c’est trop compliqué de faire fabriquer les t-shirts en Afrique francophone, donc j’utilise la gamme bio de mon fournisseur, qui me permet de rester indépendant.
Quelles sont les réactions à tes produits pour le moment ?
Partout où je présente le truc, j’ai de super retours, les gens trouvent que c’est une bonne initiative. Les médias aussi, comme Elle Magazine ou la marque Kaporal apprécient la démarche, et l’animateur de radio Soro Solo kiffe bien notre projet. Il arrive aussi que mon entourage ou les artistes que j’engage pour dessiner les personnages découvrent ces militants, ils sont surpris en général. Je suis invité à exposer United Souls lors du festival Africa Montmartre, du 21 juin au 3 juillet, avec d’autres créateurs, j’espère que ça pourra me servir de tremplin.
Les personnalités représentées sont en général du siècle dernier. Manque-t-on de militants des droits civiques aujourd’hui ?
Pas vraiment, il s’agit surtout d’une question de droit à l’image. Mais cette lutte est plus que jamais d’actualité, il faut continuer à se mobiliser pour faire comprendre que sur cette planète il n’y a qu’une seule communauté, la communauté humaine. C’est aussi pour cela que je compte faire des t-shirts de musiciens ou de non-africains, comme Salvador Allende, tout en allant dans le sens d’un éveil collectif de la conscience noire.
Est-ce facile d’investir dans la mode ?
Je ne connaissais pas du tout ce milieu, et ce n’est vraiment pas facile de s’y lancer. Dans la société de consommation, tout va très vite, et il faut dès le début avoir les moyens. Mais ils me manquent, donc je suis ouvert à toute sorte de collaboration. Pour le moment, je travaille seul à United Souls, même si pas mal de personnes m’accompagnent, notamment une amie graphiste et une autre qui traduit mes textes en anglais.
A part les t-shirts, as-tu d’autres projets pour promouvoir cette cause ?
Je compte organiser des événements, pour soutenir notre démarche artistique et humaine. Par exemple, on pourrait imaginer une soirée sur le thème d’Aimé Césaire lors de laquelle on pourrait faire des courts-métrages et des slams autour de son œuvre.
Crédits photos : Jacques Goba & UnitedSouls.fr
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