Wùlu sur les écrans

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Mercredi 14 juin 2017, sort dans 31 salles Wùlu, le premier long-métrage du réalisateur franco-malien Daouda Coulibaly. Après une tournée des festivals internationaux qui lui ont valu d’être très positivement remarqué et de remporter plusieurs prix. Les cinéphiles français vont enfin pouvoir découvrir le parcours de Ladji, jeune apprenti chauffeur à Bamako, qui choisit d’emprunter les voies du trafic de drogue pour sortir sa sœur Aminata, devenue prostituée, de la précarité.

Sur fond de critique sociale, ce thriller dresse le portrait d’une jeunesse désoeuvrée et d’un Mali en proie à la corruption, perdu dans les conflits géopolitiques contemporains.
Daouda Coulibaly revient pour Totem World sur la génèse du film et les conditions de réalisation du projet.

Comment un jeune Afro-français qui grandit à Marseille en vient à faire un film au Mali, en bambara, sur ce sujet ?

C’est lié au fait d’avoir été renvoyé pendant toute ma jeunesse à mes origines africaines, à tel point que j’ai décidé de m’y immerger et de creuser dans cette direction. Ce que j’ai découvert de la culture malienne et guinéenne de mes parents m’a plu et cela a conduit à ce que je m’installe en novembre 2011 au Mali, avec ma famille et le projet de faire un film qui donne une vision plus juste et respectueuse des réalités africaines que je vivais. Je n’avais pas encore le sujet en tête, il a émergé en quelques mois, avec les événements qui ont rapidement secoué le pays à mon arrivée (rébellion touareg du nord est, islamisme…).

Pourquoi, dans une société africaine où le poids de la famille est important, choisir de vous concentrer sur un huis-clos frère-sœur (Aminata… sœur de Ladji, interprétée par Inna Modja, tient un rôle-clé dans le parcours de son frère) ?

Je n’ai pas choisi de mettre en scène une famille classique parce que ça me permettait d’explorer une relation humaine complexe et non conventionnelle. Si j’avais dû faire intervenir des parents, l’autorité que Ladji tente de prendre sur sa petite cellule familiale aurait été probablement sapée par la place du père, ou alors, ça en aurait fait un personnage pour qui on aurait eu moins d’empathie. Pour moi, il était important que le spectateur puisse ressentir cette empathie envers Ladji, comprendre ce qu’il vit, se mettre à sa place, ne pas en avoir une perception de gangster traditionnel. Cette relation frère-sœur était également intéressante à aborder de par sa singularité, ils ont un relationnel quasi amoureux, et pour autant pas très démonstratif.

Quels freins avez-vous rencontré dans le montage du projet… et vous y attendiez-vous ?
Comme tous les réalisateurs, j’ai été confronté à la complexité du financement d’un projet de long-métrage. On fait des demandes qui n’aboutissent pas, on perd un temps fou à attendre le déblocage d’un financement vital pour l’avancement du projet. En plus de tout ça, nous avons également subi des événements inattendus qui sont venus perturber la réalisation du film, comme l’épidémie d’Ebola qui a compliqué certains de nos déplacements, et rendu incertaine la faisabilité du film. On a également du faire face à des attentats à Bamako pendant le tournage en mars 2015. Ce qui complique les conditions de sécurité et cela a des conséquences sur le financement et les assurances du film. On a dû tourner un peu moins au Mali et plus au Sénégal.

A l’inverse, quelles belles surprises ont eu lieu depuis le début du projet ?   
La délocalisation du tournage m’a obligé à revenir à de maintes reprises sur le scénario. Dans une configuration classique, j’aurais abordé la phase d’écriture au début, puis je serais passé à la mise en œuvre d’un scénario que je n’aurais pas remis en question. Mais vu que l’actualité nous a contraint à des ajustements, j’ai dû retravailler les scènes, les affiner pour coller au nouveau contexte et donc, me remettre en question de façon permanente. Ce processus a vraiment amélioré les choses, affiné le rendu scénaristique du film.

Comment avez-vous abordé l’étape du casting ? Vous êtes-vous éloignés du casting imaginaire du début du projet ?               
Totalement ! J’avais en tête de trouver un interprète pour Ladji qui ne serait pas un acteur professionnel, mais plutôt un Malien qui aurait une vie proche du personnage. Mais après avoir vu plus de 200 personnes, je n’ai eu aucun coup de cœur. En parallèle, la directrice de casting travaillait sur un autre film avec Ibrahim Koma. Elle a pris l’initiative de nous mettre en contact via skype pour des essais et il est très rapidement entré dans le personnage, son attitude très pro, curieuse envers Ladji, m’a fait réaliser que j’allais gagner du temps, parce qu’il avait du métier et une capacité à s’immerger dans le personnage. J’avais pensé à Inna Modja pour le rôle d’Assitan ; la directrice de casting lui a fait passer l’essai pour Aminata. Inna a grandi au Mali et connu des filles proches du personnage, elle a brillé lors des essais. Elle a une dimension d’actrice plus grande que celle que je soupçonnais à la base.

Comment est venu l’idée de la dimension philosophique du film, du recours aux scènes métaphoriques ?  
En fait, mon idée de départ était de faire un film d’anticipation, une sorte de fable moraliste sur ce à quoi pourrait ressembler le pays si on ne réglait pas les questions de corruption et du désœuvrement des jeunes. Mais l’actualité m’a rattrapé et donc je me suis plutôt employé à raconter comment on avait pu en arriver à la situation d’implication et de cautionnement du trafic de drogue par les plus hautes instances du pays. Mon producteur m’a suggéré de passer par les codes du thriller pour rendre le film plus accessible et ne pas passer à côté d’un public que la forme de fable aurait pu ennuyer. Cela dit, j’ai pris soin de traiter le sujet de façon à ce qu’on ne se dise pas «c’est cool d’être un gangster». La vie de Ladji est difficile, je voulais vraiment suggérer par l’atmosphère du film une sorte de pesanteur, montrer que ce choix est une impasse, d’où l’insertion de scènes qui évoquent le côté métaphorique et sortent des codes du thriller. Le titre du film qui évoque les sociétés initiatiques bambara est également métaphorique, Wùlu est le cinquième et dernier niveau initiatique de la société du Ntomo, le niveau du chien, qui éclaire l’initié sur sa place dans la communauté ! Le terme chien revêt donc une dimension multiple !

Propos recueillis par Bilguissa DIALLO

  • Où voir le film ?

Dans 31 salles en France dont 5 à Paris (liste ci-dessous)

Bande-annonce :

En séance à :

Aix-en-Provence Renoir
Angers 400 coups
Bordeaux UGC Ciné Cité
Clermont-Ferrand Ciné Capitole
Dijon Devosge

Grenoble Club

La Rochelle CGR Olympia

Le Mans Cinéastes

Lille Majestic

Lyon CNP Bellecour

Lyon UGC Ciné Cité Internationale

Marseille Variétés

Metz Palace
Montpellier Diagonal Capitole

Montreuil Méliès

Nantes Concorde

Nice Mercury

Nîmes Sémaphore

Paris Gaumont Opéra Premier

Paris MK2 Bibliothèque
Paris Reflet Médicis

Paris UGC Ciné Cité les Halles

Paris Sept parnassiens

Pau CGR Saint-Louis

Poitiers TAP Castille

Rennes cedex Ciné TNB

Strasbourg Star

Torcy – Marne-la-Vallée Méga CGR
Toulouse American Cosmograph
Tours Méga CGR Centre
Valence Navire

Prix Festivals

FESPACO – Prix de la meilleure interprétation masculine (2017)

Festival International du Film d’Amiens – Prix du public (2016)

Festival International du Film policier de Beaune – Compétition Sang Neuf (2017)

Toronto International Film Festival – Sélection officielle (2016)

bambara mali Wulu

Sur l'auteur

Bilguissa Diallo