La musique caribéenne s’invente, se réinvente, s’exporte. Une rencontre de styles, de courants qui se métissent. Sous influence de l’Amérique Latine et des États-Unis, les sonorités caribéennes se distinguent par leur chaleur. Zouk, dancehall, reggae, kompa, soca… Préparez-vous à voyager.
1ère partie du dossier sur l’évolution de la musique caribéenne.
Des textes tantôt engagés, tantôt festifs. Mais un rythme indéniablement entrainant. Musique populaire, le dancehall s’affirme depuis plus de trente ans comme un incontournable de la musique caribéenne. De Kingston à Londres en passant par Tokyo, il s’écoute aux quatre coins du monde.
La Jamaïque. Berceau du dancehall et de son modèle, le reggae. Mère d’une multitude d’artistes qui ont donné au genre ses lettres de noblesse : Capleton, Bounty Killer, Vybz Kartel, Beenie Man, Sean Paul… Et source d’inspiration pour les îles voisines. Apparu au début des années 80, le dancehall a depuis longtemps dépassé les frontières, les océans. Mais il reste toutefois l’affaire d’un public de connaisseurs. Le dancehall, c’est d’abord le milieu underground et ses « soundsystems ». Sorte de centres de formation de chanteurs en herbe. Passage obligé pour les prétendants au succès. Un micro, un DJ, un riddim (instrumentale), et c’est parti.
Le dancehall est un moyen d’expression pour toute une frange de la population. Que ce soit par l’engagement des textes ou leurs propensions à faire bouger la foule. Et comme pour le rap, les clashs y sont monnaie courante. L’art de manier les mots. De transcender la mélodie. Les artistes s’affrontent à coup de lyrics acerbes. Problème : en Jamaïque la violence est plus que présente et la musique n’échappe pas à ce fléau. Quatrième pays avec le taux d’homicide le plus élevé (52,2 tués par an pour 100000 habitants/ source Office des Nations Unies contre la drogue et le crime), il n’est pas rare que les oppositions d’artistes mènent à des affrontements physiques entre fans. Pourtant le clash possède des vertus. Et lorsqu’il y a du talent, il permet de faire progresser le mouvement.
Dancehall superstars
Impossible de parler dancehall sans faire référence à l’autoproclamé « World boss » : Adidja Palmer plus connu sous le nom de Vybz Kartel. Malgré ses démêlés avec la justice, le natif de Portmore continue à dominer son art. Depuis la prison de Kingston où il purge une peine à vie pour meurtre, il parvient à diffuser sa musique. Les succès s’enchaînent et son influence sur les autres artistes est plus que palpable : gimmicks, textes, style… Les autres têtes d’affiche en Jamaïque se nomment Popcaan, Aidonia, Konshens ou Mavado. Le réservoir semble inépuisable, pour le bonheur des fans. Sans compter sur deux petits qui pointent le bout de leur micro. Le style Kartel affiché sans ambiguïté, ce ne sont pas moins que les enfants du Worldboss : Little Vybz et Little Addi… La dynastie Kartel entend régner encore longtemps.
À l’international c’est surtout Sean Paul qui a popularisé le genre musical. Déjà bien connu dans la Caraïbe il a su s’exporter aux États-Unis et dans le monde. Qui n’a jamais dansé sur « Gimme the light », « Get busy » ou « Give it up to me »? Il a sans doute été le meilleur ambassadeur du dancehall dans les années 2000.
Niveau parité en revanche, il faudra repasser. Malgré le talent, les femmes ne connaissent pas le même succès que leurs homologues masculins. En Jamaïque, certaines sont tout de même reconnues dans le milieu : Cecile, Alaine, Spice ou plus récemment J Capri. Sans oublier les pionnières : Patra, une Rihanna avant l’heure dans son rôle de « bad girl », et Lady Saw la « dancehall queen ». Cette dernière excelle dans le style slackness. Comprenez des textes ouvertement sexuels et des paroles crues.
En France aussi
Dans la Caraïbe, outre la Jamaïque, c’est surtout en Martinique et en Guadeloupe que cette musique urbaine trouve ses plus fervents adeptes. Au point d’influencer les autres départements français d’outre-mer (Guyane, Réunion). Le style trouve ses premiers fans au début des années 90 aux Antilles. Notamment grâce au groupe emblématique « Metal sound ».
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Les artistes ultramarins ont du talent. C’est une certitude. Mais rare sont ceux qui parviennent à vivre de leur art. Même localement le dancehall a du mal à s’imposer sur les ondes alors qu’il est écouté par une majorité de jeunes et moins jeunes. La faute à une image bien présente dans les têtes. Celle d’une musique de voyous, qui prône violence et dépravation… Comble du paradoxe, ceux-là même qui critiquent le dancehall « local » n’hésitent pas à diffuser des artistes venus d’ailleurs, aux textes pas vraiment plus conscients. Alors comment exporter sa musique, ses artistes, lorsqu’on ne les soutient pas localement ? Il paraît que nul n’est prophète en son pays…
Cependant, certains tirent leur épingle du jeu. Si les Guadeloupéens Admiral T et Krys ont longtemps fait voyager le dancehall français, la référence actuelle se nomme Kalash. Le Martiniquais à la voix grave s’est fait un nom sur son île avant de connaître un énorme succès au-delà. Un titre représente le poids pris par Kalash sur la scène reggae dancehall : le remix de son hit « Laisse brûler », en featuring avec Admiral T et Capleton. Deux monstres sacrés. Et le Martiniquais se paye même le luxe d’exceller dans un style plus rap avec « Chanson du mwaka » et « 4 croisées ». Phénoménal.
La playlist: Capleton – Chat dem a chat / Vybz Kartel – Ignite the world / Paille – Abimans