Fary : « J’appartiens plutôt à une communauté urbaine et multiculturelle ! »

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Dandy moderne, il a le souci du détail tant pour son look que pour ses punchlines mordantes. A 24 ans, le talentueux et flegmatique humoriste Fary a déjà fait salle comble à Bobino, au Théâtre Antoine, à la Cigale, et a joué à guichets fermés pendant deux ans au Point-Virgule. Son humour grinçant passe au crible la mode, l’infidélité, le racisme, l’esclavage… Il est actuellement à l’affiche du Grand Point-Virgule. Interview.

Propos recueillis par Astrid Krivian

Comment présenterais-tu ton spectacle ?
Je le ferais présenter par quelqu’un d’autre ! Car je ne pense pas être le mieux placé pour parler de ce que je fais.

Pourquoi l’avoir intitulé « Fary is the new black » ?
Je reprends l’expression “the new black”, qui désigne dans la mode une chose en vogue. On parle souvent de mon style vestimentaire dans la presse. C’est donc un clin d’oeil, pour dire avec humour qu’aujourd’hui le jeune afro est décalé, et qu’il assume son originalité. La nouvelle tendance, c’est être différent.

Qu’est-ce qui t’inspire pour écrire tes sketches ?
Des thèmes sur lesquels je m’interroge, qui m’intéressent, et qui créent une discussion au quotidien. Ça nous arrive à tous d’avoir un ami gay, d’être gêné en disant le mot « juif », de se faire recaler en boîte… Des sujets qui peuvent amener le public à en parler après.

Comment travailles-tu tes textes ?
Avec mon metteur en scène, Kader Aoun, et mon co-auteur et ami, Jason Brokerss. On est dans une recherche permanente. J’ai des idées de mon côté, on en discute et de cet échange ressortent d’autres blagues, que je remets au propre. Puis je les teste, et on corrige ensemble. Ce regard extérieur est important. Je ne répète pas mais je joue mes nouveaux sketches au café-théâtre du Panam Art Café, dans le 11ème à Paris. S’ils fonctionnent là-bas on les intègre au spectacle.

As-tu des limites, des sujets tabous ?
La censure, c’est l’absence de rire, tout simplement. Si ce n’est pas drôle, qu’on a le sentiment qu’on peut blesser quelqu’un, on ne le fait pas. Il n’y a pas vraiment de sujet tabou, tout est dans la manière d’en parler, dans la formulation, dans l’emballage.

Quelle est la différence entre le stand-up et le one man show classique ?
En France on a tendance à les séparer, mais c’est pareil. Le stand-up à la base, c’est le fait de casser le quatrième mur, la frontière entre le public et la scène. L’humoriste admet qu’il est dans un dialogue avec les spectateurs. Donc les artistes qui font du sketch comme Alex Lutz, Stéphane Guillon, Desproges, Florence Foresti… ont des passages de stand-up quand ils s’adressent directement au public. La caractéristique précise, c’est que le stand-upper est dans une forme de discussion plus naturelle. Il fait croire que ce qu’il raconte, il le pense au moment où il le dit.

Tu es très habile pour improviser selon les réactions de la salle…
Si une personne parle, m’interpelle, je réagis, et ça va faire partie du show. C’est un plus, mais ce n’est pas indispensable. Pour moi, le dialogue avec les spectateurs, c’est leur raconter mes sketches en fonction de leurs attitudes, du feeling qu’ils me renvoient, ce soir-là. Ne pas jouer mécaniquement, mais être avec eux, vraiment, dans l’instant, là est le plaisir. Ainsi le spectacle ne ressemble pas à celui d’hier, ni à celui de demain. Chaque représentation impose son propre rythme.

Un public que tu charries, aussi…
Ça m’arrive mais ce n’est pas ce que je préfère. Ce sont des béquilles que l’on a pour mettre du rythme, et parce que ça plaît au public aussi. Mais ce n’est pas l’essentiel.

Quels humoristes t’ont inspiré ?
Pierre Desproges, Elie Kakou, Jamel… Quand j’ai commencé, je tendais beaucoup vers le Comte de Bouderbala pour ses thématiques, Mathieu Madenian pour son rapport au public, sa manière de parler, et Gaspard Proust pour sa posture. Et je suis un grand admirateur de l’Américain Chris Rock, j’aime son côté prêcheur.

Quelle est la place des humoristes noirs en France ?
Je ne pense pas que les humoristes noirs soient porteurs d’une voix, car je ne suis pas convaincu qu’il y ait une communauté noire en France. Très peu d’entre eux ont une place conséquente dans les médias, dans le paysage français en général. Il n’y a pas de lobby noir… Moi j’appartiens plutôt à une communauté urbaine et multiculturelle. On connaît des mots arabes, on écoute des musiques antillaises, du hip-hop, on a des amis juifs… Ma génération est un brassage de plusieurs cultures.

Le rôle des comiques s’est-il renforcé après les évènements tragiques de 2015 ?
Oui, on revient à l’essence de notre art : le rire. Les gens ont envie de s’amuser, de passer un moment chaleureux. Je ne sais pas s’ils veulent rire des attentats, mais ils ont besoin de décompresser. Certains me remercient, se disent soulagés d’être venus au théâtre.

Comment vis-tu ton succès ?
Je ne suis pas persuadé d’être encore dans un succès. Ça marche bien, c’est un très bon début. Quand je remplirai des salles de 500 places du mercredi au samedi, là, ce sera un succès. Et j’attends d’être plébiscité par les gens de la profession. Ce sera une vraie réussite. Je suis très heureux de ce qui m’arrive en tout cas. Pour rien au monde je ne ferais un autre métier.

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Comment as-tu débuté ?
J’ai commencé à écrire et faire de la scène à onze ans. Mon oncle faisait partie d’une association qui oeuvrait pour les enfants défavorisés du Cap Vert, dont je suis originaire. Je faisais des sketches lors des soirées caritatives qu’il organisait. Ensuite au lycée une prof a eu une idée de spectacle pour moi, et on l’a écrit ensemble. Elle était ma manager, elle louait des salles, on est passé à « On n’demande qu’à en rire » sur France 2… J’ai fait le cours Florent pendant huit mois, et puis j’ai intégré la troupe du Jamel Comedy Club. J’étais un grand fan mais j’appréhendais d’y aller et d’être catalogué “banlieusard”, car c’est l’image que les médias en ont faite. Finalement tout s’est très bien passé.

Pour finir, qu’est-ce qu’un bon humoriste selon toi ?
Quelqu’un qui est en prise directe avec son époque, dans le réel, qui parle de choses concrètes, avec sincérité.

Les prochaines dates du spectacle de Fary :

 – Le Grand Point-Virgule (du mercredi au samedi à 21h30) – COMPLET JUSQUE FIN FEVRIER

– Théâtre du Chatelet 15 Mars

– Trianon les 5, 6 et 7 Mai

Site de l’artiste : www.fary.fr

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