Et si le triomphe du Front National était l’échec du mouvement antiraciste ?

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Par Karfa Sira Diallo, directeur de Mémoires & Partages:

Le débat sur la déchéance de nationalité a révélé la corruption profonde du tissu politique français par l’idéologie nationaliste de l’extrême droite. Si, jusque-là était dénoncée la récupération systématique de la rhétorique frontiste, l’accélération historique que nous vivons insère cette dérive dans les textes constitutionnels.
Ce texte, paru dans le livre « Mémoires d’Alternances Inquiètes » (Ed.L’Harmattan) qui est présenté cette semaine à Paris, tente d’expliquer les raisons du succés électoral du Front National tout en proposant un autre logiciel pour penser la question sociale en France.

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Diabolisation, sectarisme et institutionnalisation ont fini de priver le mouvement antiraciste français de sa capacité à incarner un Universel désirable de vérité et de cohérence. Il est encore temps de transformer la culture antiraciste pour faire barrage aux idées d’extrême droite.
La victoire du Front National aux élections européennes est aussi une défaite du mouvement antiraciste français dont les formes et rhétoriques pétrifiées agonisent.
A force de diaboliser le Front National, de taxer de «racistes» tous ceux qui votent Front National, de confondre droit de vote et devoir de vote, de culpabiliser les abstentionnistes, de dérouler des banderoles encombrantes aux manifestations, de n’être que tremplin politicien pour carriéristes, le mouvement antiraciste est devenu inaudible, surtout au sein de la jeunesse française qui s’en détourne au profit de l’image séduisante de rebelle qu’a réussi à récupérer le F.N.
Notre défi, désormais, est d’inventer de nouvelles formes d’engagement fondées sur l’indépendance vis à vis des partis politiques, la décomplexion vis à vis du pouvoir, une mise à niveau partagée de toutes les mémoires mais surtout sur une philosophie reposant sur la non-violence et la non-diabolisation.
Pour être efficace contre le racisme, il est indispensable de relier notre combat avec celui de toutes les formes d’inégalités sociales et celui pour la culture.
Profondément transformées, les catégories du racisme touchent divers domaines: la vie quotidienne (l’emploi, l’éducation, le logement et l’accès aux services sociaux), la violation des droits de l’homme à l’égard des membres des communautés Roms, les attitudes hostiles envers les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile et leur stigmatisation, les incidents antisémites de plus en plus fréquents, l’intensification de l’islamophobie, l’utilisation d’éléments racistes, antisémites et xénophobes dans le discours politique et le climat négatif de l’opinion publique qui joue un rôle central dans l’apparition de manifestations de racisme et d’intolérance dans la société.
Au-delà des dispositifs législatifs et réglementaires et de l’arsenal répressif qui restent utiles mais insuffisants, il nous faut allier de nouvelles pédagogies reliantes et résilientes qui intègrent le combat antiraciste dans la lutte pour la dignité, pour la justice et pour la culture.
Nos modes, stratégies d’action doivent radicalement se transformer. La culture antiraciste doit changer à l’image de la société. Au lieu de s’entêter dans l’erreur et de persévérer dans l’aveuglement et les poncifs culpabilisants plus que jamais pontifiants. Une autocritique probe du mouvement antiraciste est indispensable. Un nouveau et solennel départ pour se hausser au niveau de l’événement.
La montée victorieuse, que d’aucuns prédisent inéluctable, de la pensée d’extrême droite en France est le signe d’un double échec: celui constant du capitalisme qui accumule les victimes sur sa route. Mais aussi, celui, consternant, du combat antiraciste. Malgré les millions d’euros consacrés à ce combat, les organisations grassement financées, les leaders promus et récupérés. La vérité est que la France est dans l’impasse.
Et cela signifie que le temps est venu d’abandonner les vieilles méthodes, les stratégies périmées, les routes dépassées.
L’universel à promouvoir ne peut se faire sur la diabolisation d’une part de nous-mêmes.
L’électeur du Front National n’est pas une entité unique et close. Face à la crise économique et sociale, devant le spectacle désolant de la politique, nombreux sont, par exemple, les jeunes français d’origine immigrée qui se laissent tenter, de plus en plus, par les sirènes d’un parti qui a réussi à lisser son image et à récupérer la charge symbolique séduisante du «rebelle».
Pour aller chercher et trouver tous ces électeurs, nous allons devoir laisser la vieille peau racornie et ses écailles toutes obstruées, user de constance et de courage pour retourner dans la tranchée, réunir ce qui a été rompu, le courage de créer au lien d’imiter.
En résumé, nous avons d’abord à faire tomber cette frontière idéologique entre ceux qui détiendraient le monopole du cœur et ceux qui seraient les agents de la haine, à faire tomber nos penchants partisans, politiciens et carriéristes, à combiner nos efforts à ceux de tous les hommes épris de justice et de vérité, à croiser nos pratiques avec celles des artistes et hommes de culture, pour édifier des mouvements efficaces, fondés sur une mémoire vigilante, au profit du combat pour la justice, pour la culture, pour la dignité et la liberté.

Karfa Sira Diallo
Directeur de la publication de www.senenews.com

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