“Black”, le second long-métrage d’Adil El-Arbi et Bilall Fallah, raconte une histoire d’amour entre deux membres de gangs rivaux à Bruxelles. Totem a vu le film juste avant sa sortie en e-cinema ce vendredi 24 juin.
Imaginez Roméo et Juliette de Shakespeare adapté par deux jeunes réalisateurs bruxellois à notre époque. Cela donne Black, film réalisé par Adil El-Arbi et Billal Fallah, dans lequel Roméo s’appelle Marwan et Juliette se nomme Maleva ; les Montaigu et les Capulet sont devenus les 1080 et les Black Bronx, le nom de deux gangs dans la capitale belge, l’un composé d’Arabes, l’autre, de Noirs… Et Venise a laissé place à la métropole bruxelloise. Cela pourrait être le pitch (grossi) du film. Fort heureusement, le scénario est plus complexe qu’une simple histoire d’amour entre deux adolescents à la dérive. On vous explique en quatre points pourquoi.
Pour le jeu des acteurs
La plupart des comédiens qui incarnent les membres de gangs ont été choisis à l’issue d’un casting sauvage. Martha Canga Antonio et Aboubakr Bensaihï, respectivement Maleva et Marwan, les deux tourtereaux de l’histoire, crèvent l’écran par leur interprétation d’adolescents épris l’un de l’autre, mais forcés de composer avec un entourage nocif. Et que dire de X, joué par Emmanuel Tahon, le terrible chef des Black Bronx, dont les accès de violence tiennent plus d’une fois le spectateur en haleine,.
Contrairement à d’autres long-métrages montrant une jeunesse prise dans la spirale de la violence, ici, on y croit. Et l’interprétation y est pour beaucoup.
Pour l’histoire
Marwan, petit voleur d’origine maghrébine au sein du gang des 1080, fait la rencontre de Maleva, qui fait partie de la bande des Black Bronx, dans un commissariat de Bruxelles. Tous deux se retrouvent-là après avoir été attrapés pour vol. Ça tchatche, ça dragouille et ça finit par un numéro de téléphone donné dans les couloirs. Très vite, une histoire d’amour se crée entre les deux personnages que leurs origines et les bandes auxquelles ils appartiennent opposent. Si l’intrigue est plus complexe qu’une seule histoire d’amour ou d’affrontements entre jeunes, on regrettera par moments des éléments facilement devinables par le spectateur, notamment sur l’issue du film.
Pour la réalisation
Les deux réalisateurs livrent un film brut et poétique à la fois. Brut par ses nombreuses scènes de violences, poétiques grâce à une réalisation par moment virevoltante. Surtout, ils ne tombent pas dans le piège de la surenchère des images hardcore. Tantôt suggérée, tantôt montrée, la violence sert la narration. Et « Black » nous entraîne dans le Bruxelles populaire, loin du Manneken Pis et de l’Atomium.
Pour l’analyse de fond qu’on peut en faire
« Le film peut facilement faire l’objet d’une étude dans plusieurs cours de secondaire. » Oui, Black est plus qu’un film qu’on consomme et qu’on oublie passé le générique de fin. C’est en tout cas la volonté des auteurs dont l’œuvre, qui « traite de sujets importants de notre société contemporaine », se veut interrogatrice et dénonciatrice. Plusieurs thématiques émergent comme l’utilisation du viol sur les femmes en temps de guerre, les ravages de la pensée de groupe sur un individu ou la question des couples mixtes dans une ville de Bruxelles multi-communautaire. Une invitation à la réflexion en plus d’une fiction très bien ficelée.
Par Abdallah Soidri