Exclu: Enquête au coeur de la communauté noire d’Istanbul (Partie 1/3) – A Lire

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Avec 14 millions d’habitants, la ville d’Istanbul est souvent citée pour son melting pot unique. Pourtant, les populations noires restent en marge de ce brassage culturel.

Un récit exclusif de Ludovic Clérmia (Partie 1/3)

Istanbul est glaciale en décembre. Sous un lourd ciel gris, les touristes sont rares et les locaux réinvestissent la ville. De nombreux passants s’affairent du côté de l’avenue d’Istaklal, les ChampsÉlysées locaux. Parmi toutes les rumeurs entendues sur la plus grande cité de Turquie, beaucoup désignent son multiculturalisme. Carrefour des mondes, Istanbul possède deux rives, l’une asiatique et l’autre européenne. Mongoles, Arabes ou encore Français déjeunent dans les mêmes restaus, prennent les mêmes tramways et vont sur les mêmes marchés.

Seule la communauté noire manque à l’appel… Elle n’est pourtant pas inexistante à Istanbul. Tout est une question d’heures.

Deal avec la police

Passez aux alentours de 17H, lorsque le soleil se couche dans le quartier de Kumkapi… Baladez-vous vers Eminönü, près du marché égyptien. Là, quelques silhouettes dévalent à grande vitesse, mallette en main, les rues bondées de la ville. Des visages venus majoritairement du Sénégal, du Mali, ou encore du Cameroun. Ce n’est qu’une fois la nuit tombée, vers 18H, que ces fantômes stoppent leurs marches frénétiques. Ils s’installent devant les boutiques, dans les tunnels de la ville et déballent sur le sol le contenu de leur mallette.

Parfums et montres de contrefaçon s’offrent au regard des Stambouliotes. Certains achètent. D’autres passent sans même un regard pour le vendeur ambulant. C’est le cas pour Diop. Ce Sénégalais de 35 ans est à Istanbul depuis 10 mois. « On ne vend pas beaucoup, mais on arrive quand même à gagner nos vies ». Ses montres, il les achète 8 lires turcs (2,50 euros) à un fournisseur qu’il refuse nommer, pour les revendre à 10 lires turcs (3,30 euros). Diop gagne juste assez pour envoyer 150 lires turcs (50 euros) à sa famille tous les mois. « Ici, tous les Africains sont là pour travailler. Et c’est assez compliqué. Moi par exemple, j’ai dû obtenir une carte de commerçant au Sénégal et mettre à jour mon passeport pour obtenir un visa turc. Il a expiré depuis quatre mois.»

Pourtant, Diop ne craint pas de se faire arrêter par la police de la ville. « Les Turcs sont très tolérants avec nous. Nous avons un deal. On a le droit de vendre nos objets le soir si on est discret le jour. » Par discret, il faut comprendre invisible.

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Vers d’autres horizons

La journée de Diop se décline toujours de la même manière. Il vend ses produits jusqu’à 4H du matin. Rentre chez lui dormir, dans un appartement qu’il partage avec huit autres Africains. Il ne se réveille pas avant 14H. Mange. Prie. Se lave. Et retourne travailler aux alentours de 17h30. S’ils respectent ces consignes, les migrants ne paient pas d’impôts et n’ont rien à craindre de la police municipale, m’explique t-il.

Ses relations avec la population turque se résument à une entente sympathique avec le commerçant qui le laisse travailler devant sa boutique. Il lui arrive d’en croiser d’autres à la mosquée. « Tous les Sénégalais que tu verras ici sont musulmans, comme les Turcs. C’est pour ça qu’on s’entend bien. » Mais Diop ne se voit pas finir ses jours à Istanbul. « Je veux partir en Italie. Mon objectif est de gagner assez d’argent pour y aller. Là-bas, je trouverai un meilleur emploi. »

Il réajuste son bonnet, souffle un bon coup sur ses doigts avant qu’un compagnon ne vienne l’interrompre. Des phrases sont échangées dans une langue qui m’est inconnue. « Tu devrais aller voir Abdulai Diallo. Tous les Noirs d’Istanbul le connaissent. Il te donnera plus d’informations, moi je dois retourner travailler. » Avant de partir, je croise un autre Sénégalais. Contrairement à Diop, il n’est pas aussi positif sur les rapports entre Turcs et Africains… Affaire à suivre

Ludovic Clerima

Enquête au coeur de la communauté noire d’Istanbul Istanbul – Partie 2 à lire ici

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