La musique caribéenne s’invente, se réinvente, s’exporte. Une rencontre de styles, de courants qui se métissent. Sous influence de l’Amérique Latine et des États-Unis, les sonorités se distinguent par leur chaleur. Zouk, dancehall, reggae, kompa, soca… Préparez-vous à voyager.
Étendard de la musique antillaise, le zouk sous ses différentes formes est un indémodable. Il se chante, se joue, se danse partout. Localement, il n’est pas rare qu’il se mêle à un des styles dont il s’inspire : le kompa, chère à Haïti.
Mettons les choses au clair. Non, le zouk ne se résume pas à Franky Vincent et la compagnie créole. Loin de là même… S’il fallait dater l’apparition du genre, elle coïnciderait avec l’émergence de Kassav’. Nous sommes en 79 et le groupe mythique antillais prend forme, en même temps qu’un nouveau style musical. Disques d’or, de platine, plusieurs Zenith, tournées en France et en Afrique. Kassav’ est le premier (seul ?) groupe antillais à connaître un tel succès international. Jacob Devarieux, Jocelyne Béroard, Georges Décimus…Des noms entrés dans le panthéon de la musique ultramarine, française. Aujourd’hui qualifié de zouk rétro, le son de Kassav’ est une référence, un monument que l’on ne saurait dénigrer. Et pour cause, malgré l’évolution du style et la succession d’artistes au fil des années, «zouk» rime toujours avec le groupe guadeloupéo-martiniquais. La notoriété du genre a même poussé un chanteur métropolitain à tenter l’aventure en 2010. Le titre La vie sans vous de Francis Lalanne attise la curiosité. Le morceau, sans être mauvais, ne restera pas un souvenir impérissable pour les adeptes…
Chez la nouvelle génération, le «zouk love» domine. Style adoubé par les Patrick Saint-Eloi ou Richard Birman. Et repris très largement depuis le milieu des années 90. Le rythme se ralentit et certains sujets reviennent régulièrement : amour, infidélité, jalousie…Des thèmes très, voir trop souvent exploités. Mais si l’originalité ne se trouve pas dans les sujets, la manière de les aborder fait la différence. Les puristes ou plutôt les nostalgiques regrettent le zouk des années 80-90. Le «c’était mieux avant» sévit, à raison dans certains cas. Mais il ne s’applique certainement pas à des artistes comme Methi’s, Lycinaïs Jean ou Antonny Drew. Une vague de fraîcheur capable de se distinguer de la concurrence. Pour se sortir de la masse de chanteurs de zouk, il faut aujourd’hui réussir à apporter quelque chose de nouveau. Un style différent, profondément caribéen. Certains font d’ailleurs le choix de ne pas se cantonner au zouk.
Une évolution liée aux origines
Après les haïtiens Carimi, T-Vice ou Ti Kabzi dans les années 2000, nous assistons à l’éclosion d’un nouveau kompa aux Antilles, porté par de jeunes artistes comme Antonny Drew. Un kompa teinté de zouk à moins que ce ne soit l’inverse. Les deux styles ont beaucoup en commun et leurs formes récentes plaisent généralement au même public. Il faut dire aussi que les deux ont vocation à être dansés en couple. A la différence près que le kompa s’est longtemps caractérisé par la longueur des morceaux…problématique lorsque le/la cavalier(e) ne convient pas… Côté zouk, la danse est naturellement sensuelle, encore plus lorsqu’il s’agit du zouk love.
Le rapprochement entre les deux genres n’est pas très étonnant. Avant que le zouk ne règne en maître dans le monde musical antillais, le kompa occupait une place de choix. D’abord grâce aux groupes haïtiens, dont le plus célèbre Tabou Combo, puis les artistes « locaux » : La Perfecta, Les Aiglons, Experience 7… Des groupes mythiques qui ont fait danser plusieurs générations d’Antillais dès les années 60-70. Aujourd’hui on remarque chez les jeunes artistes antillais un retour vers ce style d’origine, empreint de modernité. Le succès du kompa en Martinique et en Guadeloupe revêt d’ailleurs un caractère historique. Haïti est le seul pays francophone indépendant de la Caraïbe et il existe un lien indéniable entre ces trois îles. Les difficultés sociales, sanitaires, économiques de l’île poussent la majorité de ses habitants à émigrer vers les deux DOM ou les Etats-Unis. La forte communauté haïtienne aux USA a d’ailleurs influencé le genre et a aussi permis de le diffuser plus largement. Le kompa fait vibrer Haïti depuis les années 1800, soit au moment de son indépendance. Deux cents ans d’existence pour un genre qui aura su évoluer avec son temps.