On était à la dernière nuit blanche en hommage à Papa Wemba à Abidjan

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La soirée avait des airs de séance de rattrapage pour ceux qui n’avaient pas vu s’effondrer, dimanche, le Roi de la SAPE et de la rumba. C’est un aréopage de sapelogues de tous les âges qui s’est pressé mercredi soir à l’entrée du Palais de la Culture d’Abidjan pour dire adieu le plus joyeusement possible à Papa Wemba, avant le transfert de sa dépouille le lendemain en République Démocratique du Congo.

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« On est là pour faire le show ! » fuse dès la file d’attente à l’entrée le jeune Béranger, trépignant d’impatience. Autour de lui, un océan de blanc, une forêt de chapeaux, une galerie des glaces de lunettes. Les inconditionnels du « Vieux Bokul » ont respecté à la lettre la consigne donnée plus tôt dans la journée : se vêtir de blanc pour rendre hommage au génie de Lubefu. Avant d’entrer dans l’auditorium, l’humoriste Elément En K2K soigne sa ressemblance avec le « Mzee », reboutonne sa chemise et toussote avant de s’adresser à la presse venue en nombre. Comme un nouveau roi de la SAPE ? Il la joue modeste : « On fait l’effort de lui ressembler, mais sa couronne lui appartient à jamais ».

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A l’intérieur, on se croirait un soir de match. Les drapeaux de la RDC sont sortis et agités à chaque mention ovationnée de l’artiste décédé. Soucieux d’être visibles, deux ou trois fans se sont peints le corps pour dessiner le portrait de leur idole. Dans l’air flotte cette intensité dramatique des grands moments qui nous font passer si rapidement d’un état à l’autre, de l’euphorie à la tristesse.

Euphorie lorsque des membres de Viva La Musica, l’orchestre créé par Papa Wemba, montent sur scène pour chanter un hommage à leur leader défunt, le visage crispé. Tristesse lorsqu’Asalfo leur succède, les larmes aux yeux et demande à la foule « quel âge ai-je pour que Dieu me mette face à une épreuve aussi forte, difficile et douloureuse ? ».

A'Salfo

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Zouglou Makers

Euphorie à nouveau quand les rythmes endiablés de Zouglou makers puis Magic System font se dresser les centaines de participants, mains en l’air et mimiques dantesques à la clef. Tristesse lancinante lorsque s’assied au premier rang l’Amazone sanglotante, désormais veuve du souverain de la rumba, suivie d’une famille endolorie, tous la main cramponnée sur leurs mouchoirs.

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“Maman Amazone”

Pour son « dernier coup de sifflet », Wemba n’aurait pu rêver meilleur public : quelques rangées devant la poignée de ministres présents, les sapeurs « officiels », brassard rouge au bras, se savent aussi observés qu’observateurs. Irène, « sosie féminin » autoproclamée de l’artiste tient à le dire, elle veut « que l’Afrique comprenne que Papa Wemba n’appartient pas qu’à la RDC ». La preuve en est, personnalités de l’art et de la mode sont venues de Guinée, du Niger et de toute l’Afrique de l’Ouest pour un moment qu’elles savent toutes historique.

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A quelques mètres de la chanteuse Aïcha Koné, le Président Veskaye, qui se présente comme « artiste-humoriste-sapeur » n’est pas en reste. Pour revivre ces minutes inimaginables, lorsqu’à une vingtaine de mètres de lui, le week-end dernier, son roi est tombé, le jeune homme a remis les mêmes vêtements.

Dans un dernier effort, une dernière parade, les larmes éclairées par les projecteurs, les danseurs et danseuses de Papa Wemba sont remontés sur scène, avec une solennité inhabituelle dans leurs derniers pas de danse. Le MC de la soirée l’a bien résumé dans une tirade qui lui a valu un tonnerre d’applaudissements : « la planète pleure une étoile, l’Afrique pleure un fils, la Côte d’Ivoire pleure un frère, la RDC pleure un père. »

A deux heures du matin, il y a toujours plus de spectateurs entrants que sortants. Cette dernière nuit promet d’être longue, la plus longue possible.

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