Exclu: Enquête au coeur de la communauté noire d’Istanbul (Partie 2/3) – A Lire

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    Avec 14 millions d’habitants, la ville d’Istanbul est souvent citée pour son melting pot unique. Pourtant, les populations noires restent en marge de ce brassage culturel.

    Un récit exclusif de Ludovic Clérmia (Partie 2/3)

    Le rêve stambouliote s’est évanoui pour Demba. Ce Gambien de 31 ans veut quitter le pays à tout prix. « On travaille dur pour un salaire de misère. Je ne vis pas, je survis à Istanbul. Sans parler du racisme. Les gens d’ici n’aiment pas les Noirs et le temps n’y fait rien. Je connais des Gambiens qui vivent dans cette ville depuis 15 ou 20 ans : on ne les accepte toujours pas. » Demba m’en dit plus sur Abdulai Diallo. « Il aide les Noirs à Istanbul. Si tu as besoin de travail ou de trouver un logement, c’est lui qu’il faut rencontrer. Même les Turcs le connaissent. »

    Celui qu’on surnomme affectueusement « Lai Diallo » a pris la place des associations. Une fois par mois, tous les membres de la communauté africaine de la ville viennent se réunir dans son QG. Là, chacun expose ses difficultés. La solidarité, c’est le mot d’ordre. Laï Diallo a également la particularité d’être « le seul Noir marié à une Turque » me confie Demba. Un fait incroyable pour lui. Demba n’arrive même pas à imaginer qu’on puisse être noir et de nationalité turque…

    Une société secrète

    Mon nouvel ami accepte de me guider jusqu’à Lai Diallo. Nous grimpons du côté de Beyazit avec, pour seuls compagnons, les lumières jaunâtres des lampadaires. Sur le chemin, Demba me parle de ses rêves d’Amérique. Son objectif est de rejoindre dans deux ou trois ans les États-Unis pour devenir boxeur, comme son idole, Mohamed Ali. Ses deux enfants, une fille et un garçon, laissés au pays lui manque…

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    Il me dépose près du QG de Lai Diallo. Une grande boutique de vêtements et tissus. L’accueil est glacial. L’entretien expéditif. Les mots « journaliste français » et « communauté noire » ont suffi à braquer mes interlocuteurs. Abdulai Diallo me demande de repasser demain. Il a tout du cadre dynamique, assis derrière son bureau, téléphone en main. A mon retour, on m’apprend qu’il est parti à Ankara pour une livraison importante. Je n’aurai plus jamais de ses nouvelles. La population noire d’Istanbul m’apparaît alors comme une société secrète, réservée à quelques initiés. Le poids communautaire est considérable. Comme si la règle pour survivre en paix était de mettre l’autre à l’écart.

    Des associations débordées

    Il faut dire que peu d’associations se sont intéressées, par le passé, aux migrants africains de la ville. Récemment, l’unique bureau de Médecins sans frontières a fermé ses portes pour rejoindre le sud du pays. L’attention est portée aux réfugiés syriens. Quelques initiatives locales font pourtant de la résistance. C’est le cas de PAWI (Professional American Women of Istanbul), une association qui collecte des vêtements et de la nourriture pour les migrants africains. Un soutien psychologique est également offert à ceux qui le demande.

    Virginia Lowe, membre de l’association, se désole de la politique menée par le gouvernement. « Les ministres au pouvoir ne tiennent pas compte de la communauté noire dans ce pays. Je ne comprends rien à la politique migratoire menée par le gouvernement. La Turquie est un membre fondateur des Nations unies. Elle devrait être une terre d’accueil et non l’inverse. »

    Sur l’année 2010, selon un rapport officiel, 32 667 migrants en situation irrégulière étaient arrêtés en Turquie. Parmi eux, des Ivoiriens, des Nigériens, des Guinéens.

    Pourtant, la société stambouliote semble, peu à peu, s’ouvrir à la communauté africaine. Autour de rythmes entraînants et festifs, Turquie et Afrique se retrouvent parfois dans la ville… À suivre.

    Ludovic Clerima

    Enquête au coeur de la communauté noire d’Istanbul Istanbul – Partie 3 le lundi 10 Février 2014

    Retrouver la 1ere partie de notre enquête en cliquant ici

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