Pour beaucoup, cinéma rime avec Hollywood. En 2012, le cinéma américain enregistre un chiffre d’affaires record de 10,8 Milliards de dollars. En dépit de cette hégémonie, deux nouveaux modèles cinématographiques émergent ces quinze dernières années. Le cinéma Hollywoodien reste évidemment numéro un en terme de recettes avec ses blockbusters et ses acteurs “bankables”. Il est désormais dépassé en quantité de films produits par Bollywood et, depuis 2009, par Nollywood.
Par Gauthier Kulula
Hollywood |
Bollywood |
Nollywood |
|
Budget moyen des films produits |
61,1M€ |
3,1M – 15M€ |
12 137€ – 54 630€ |
Nbre de films / an |
734 |
1288 |
987 |
Total des sorties au cinéma |
1,29 Mrd € |
3,3 Mrd € |
n/a |
Revenus de l’industrie cinéma |
24,7 Mrd € |
2,5 Mrd € |
280M€ |
Film produit le plus cher |
293M€ |
25M€ |
6M€ |
* box office global, hors DVDs, TV, et VOD |
(Source : www.spearswms.com)
Bollywood, c’est le cinéma indien avec sa musique caractéristique et ses chorégraphies gigantesques. Nollywood…Le terme, moins connu, renvoie au cinéma nigérian. Près d’un millier de films par an pour 280 millions d’Euros de recettes !
Un cinéma particulièrement apprécié par les Nigérians, les autres pays d’Afrique, mais aussi par la diaspora. Les raisons de ce succès populaire sont nombreuses. Drame, amour, passion et sorcellerie sont le lot de ces films emprunts d’une saveur foncièrement africaine. Les intrigues se passent sur le continent, les décors sont donc très proches de ce que les locaux ont l’habitude de voir dans leur vie quotidienne. La production et la réalisation des films est soignée et permet un confort visuel qui s’apparente à celui que procurerait un film américain.
Que ce soit les Ivoiriens, les Africains ou la Diaspora, tous se retrouvent dans les personnages. La façon d’aborder certains thèmes nous rapproche sensiblement du continent africain. Lorsqu’on évoque la sorcellerie en Afrique, on parle de quelque chose auquel les gens croient, il ne s’agit pas de science fiction. Harry Potter ça ne dit rien à un public africain.
Le succès de ce cinéma reste malgré tout limité car les infrastructures ne permettent pas encore une exploitation rentable des films.
Un succès à deux visages
– Trop peu de cinémas : Le faible nombre de salles obscures en Afrique contraint à une édition rapide de DVDs. Une fois que ces films sont édités, cela augmente sensiblement… le taux de piratage.
– Une réputation à redorer : Deux images du cinéma nigérian se confondent. D’une part celle d’un cinéma assez traditionnel, peu travaillé et proche du théâtre ; et, d’autre part, celle d’un cinéma recherché emprunt de codes de production et de réalisation très occidentaux. Les films à petits budgets pullulent. Des acteurs, réalisateurs et producteurs (qui n’ont pas vraiment la vocation…) se lancent dans ce qu’ils voient comme un nouvel eldorado. Il y a aujourd’hui tellement de films produits que le recensement en est impossible. Les films avec des budgets plus importants sont, eux, les moins nombreux et souffrent de ce fameux amateurisme. Il devient tendance de généraliser en pointant du doigt le manque de professionnalisme de cette industrie. Cependant de nombreux signes prouvent sans conteste que Nollywood sera dans les années à venir un acteur majeur de l’industrie cinématographique mondiale.
Pas-à-pas, Nollywood marque son territoire
Le cinéma nigérian, encore méconnu il y a dix ans, s’introduit lentement mais sûrement dans nos quotidiens. Pour se développer et s’exporter, certains de ses meilleurs films organisent leurs avant-premières dans des métropoles comme Londres ou Paris.
L’évolution internationale de ce cinéma se caractérise par certaines de ses stars qui décrochent des rôles hollywoodiens. Omotola Jalade Ekeinde obtient début 2013 un rôle dans la série US Hit The Floor. Cette actrice est la première célébrité africaine à passer le cap des 1 millions de fans sur Facebook. Elle est également citée dans le Time comme l’une des personnes les plus influentes du monde aux côtés de Michelle Obama, Beyonce ou encore Kate Middleton.
En plus de cette nouvelle visibilité des acteurs, de nombreux festivals mettent à l’honneur le cinéma Nollywoodien. A Londres, le Festival Film Africa, à Paris, la Nollywood Week…
« Ce festival, dont c’est la deuxième édition, se positionne comme LE rendez-vous annuel donné au public français et européen pour découvrir les meilleurs films Nollywood de l’année » explique Serge Noukoué, directeur exécutif de la Nollywood Week à Paris.
Réserver sa place à La Nollywood Week Paris (5 – 8 Juin 2014)
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« Le terme Nollywood a été introduit au début des années 2000 par un journaliste américain alors en déplacement au Nigéria » raconte Noukoué. « Surpris par l’effervescence productive et créative de ce cinéma, il succombe à la tentation de l’opposer à Hollywood ».
Quid de la distribution en France et en Europe ?
« Ici, les films sont disponibles sur les plateformes en ligne, mais aussi dans les boutiques africaines spécialisées. On ne peut pas parler de distribution à proprement parlé car la plupart de ces vidéos sont issues du piratage et de très mauvaise qualité ».
« Ce cinéma mérite beaucoup mieux » insiste Serge, « Les autorités nigérianes travaillent pour équiper d’avantage le pays en cinémas ; des studios existent déjà mais de toutes nouvelles infrastructures devraient voir le jour à Lagos. Lorsque les films bénéficieront de vraies sortie en salle, il y’aura moins de piratage et la distribution en sera assainie. Les professionnels de ce cinéma pourront plancher sur les moyens pour mieux distribuer ».
L’émergence du cinéma nigérian n’est pas seulement celui d’un art, mais aussi -et surtout- celui d’un media. Le fait que ce media soit africain a une saveur et une portée particulière. S’il vient à se développer à l’échelle mondiale, en affirmant sa position dans le concert des industries du cinéma, il deviendra une véritable tribune d’expression culturelle, idéologique et même politique qui bénéficiera à l’Afrique entière.
En vidéo, les teasers de la sélection Nollywood week Paris 2014:
Par Gauthier Kulula