L’Outre-Mer à l’heure du numérique

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À l’orée du plan Très Haut Débit de l’Etat, la question du développement du numérique dans les DOM se pose plus que jamais. Les projets de la Martinique ou de la Réunion, par exemple, ont récemment été approuvés par le gouvernement.

C’est un fait établi. Le numérique ultramarin n’a rien à voir avec celui de l’Hexagone. Plus cher et bien moins performant. Pour un forfait internet, télévision et mobile ? Comptez vingt à trente euros supplémentaires (chaque mois!) pour des prestations généralement inférieures. Si aujourd’hui la 4G tend à se généraliser en France hexagonale, les départements d’Outre-Mer en sont encore à la 3G ou au H+ (transition entre 3G et 4G). « Frustrant, lorsqu’on compare les forfaits ici et en France… sans parler de la qualité de la connexion… » Comme Kevin, nombreux sont les jeunes ultramarins qui pestent contre la situation actuelle. « Mais bon, on va dire que ça fait partie du folklore ! »

D’année en année, la fracture numérique n’a cessé de s’agrandir. Et pourtant le développement de l’économie numérique constitue un enjeu de taille pour ces territoires. Il ne s’agit pas simplement d’accéder à une connexion internet plus rapide. Mais bien la possibilité pour de nombreuses familles de conserver des contacts.

S’ouvrir à l’extérieur

Vers l’Hexagone ou ailleurs dans le monde, les jeunes ultramarins sont nombreux à quitter leur département d’origine pour les études ou le travail. Et si le simple fait de s’expatrier représente déjà une étape souvent difficile, ne pas pouvoir converser facilement avec ses proches amplifie cette difficulté. Sans possibilité de retourner régulièrement « au pays ». La faute à des billets d’avion excessivement chers à destination des DOM, environ mille euros. À l’instar de plusieurs milliers d’ultramarins, Kevin a subi cette situation : « Quand j’étais étudiant, je voyais mes camarades rentrer chez eux à chaque vacances ou le week-end…alors que moi, au mieux, je rentrais une fois par an… »

Avec l’exode massif de leurs jeunes, plusieurs DOM connaissent un vieillissement de leur population. Un public qui n’a pas grandi avec les « nouvelles technologies » et pour lequel l’adaptation s’avère plus compliquée. Pourtant, pour ceux-là, l’aide à l’apprentissage  reste l’apanage d’initiatives individuelles.

Quant aux entreprises, le développement du numérique représente un enjeu de taille. Leur expansion passe nécessairement par des échanges avec l’extérieur. Pouvoir communiquer avec ses voisins, s’offrir la chance d’exister localement… Dans la Caraïbe pour la Martinique et la Guadeloupe. En Amérique latine pour la Guyane. Dans l’océan indien pour la Réunion.

Avancés structurelles

En Martinique, si environ 98% du territoire a accès au haut débit, seuls certains sites disposent du très haut débit. À l’horizon 2022, la Région prévoit la couverture de 100% de l’île en haut débit et une majorité en très haut débit. L’évolution est en marche. En 2004, 64% seulement du département avait accès à une connexion internet. Mais l’insularité augmente considérablement les coûts d’accès au très haut débit. Techniquement, l’île aux fleurs est reliée à internet par trois câbles sous-marins, dont un installé récemment. Financé par l’Etat, la Région et les communes concernées, le plan coûtera 220 millions d’euros. Et les élus ultramarins se sont assurés du respect de ce qu’on appelle « la continuité territoriale ». C’est-à-dire la nécessaire participation du gouvernement afin que les citoyens puissent accéder au très haut débit à des tarifs abordables. En Martinique, outre le surplus tarifaire lié à l’insularité, s’est longtemps posé le problème de la concurrence. Ou plutôt de son absence. Orange Caraïbes a récemment été condamné à une amende de 63 millions d’euros pour avoir empêché cette concurrence.

Défi économique, social, sanitaire. L’évolution numérique ne doit pas se cantonner à la France continentale. Question d’image aussi. Le pays a la chance de compter des départements dans tous les océans. Le développement du numérique s’affiche comme un passage obligé pour leurs permettre de faire rayonner la France… outre-mer.

A lire sur le même sujet : Claire Monod – Mobilisée contre “l’exclusion numérique”!

Sur l'auteur

Yohann Charpentier-Tity

Mi Martiniquais, mi Guadeloupéen. Français d’Outre-Mer, Antillais, Caribéen… De Fort-de-France à Paris, de mon île au continent. 23 ans à porter fièrement mon patrimoine, ma culture.